La prise en charge de la douleur

La prise en charge de la douleur est inscrite dans le code de la Santé publique : « toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée » (article L1110-5). Le code de la Santé publique invite par ailleurs les établissements de santé publics ou privés, ainsi que les établissements sociaux et médico-sociaux, à mettre en œuvre les moyens propres à prendre en charge la douleur des patients qu’ils accueillent (article L1112-4). Ainsi, les établissements de santé doivent se doter d’un comité de lutte contre la douleur (Clud), chargé de coordonner l’action en matière de prise en charge de la douleur.

Celle-ci est en effet souvent multifactorielle, et elle requiert une approche pluridisciplinaire tout autant que des réponses thérapeutiques adaptées à la situation individuelle de chaque patient : il n’y a pas une mais des douleurs.

Pour les douleurs chroniques rebelles, des centres spécialisés dans le traitement de la douleur ainsi que des consultations spécifiques ont été créés partout sur le territoire.

Les différentes douleurs

La douleur est avant tout un phénomène individuel : chacun a sa propre sensibilité à la douleur, et la tolérance est variable d’un individu à l’autre. Cependant, malgré cet aspect intrinsèquement personnel et subjectif, il est possible de distinguer les douleurs selon leur mécanisme, leurs caractéristiques, etc., ce qui permet ensuite aux équipes soignantes de proposer une thérapeutique adaptée.

Douleur aiguë et douleur chronique

La première étape lorsqu’il s’agit d’évaluer une douleur consiste à savoir s’il s’agit d’une douleur chronique ou d’une douleur aiguë.

  • La douleur aiguë est une douleur vive, immédiate, et souvent brève. Elle est d’origine traumatique ou postopératoire, ou peut être provoquée par certains soins.
  • La douleur chronique est une douleur qui dure plus de trois mois (migraine chronique, douleur liée à un cancer, etc.).

Les origines de la douleur

La douleur peut avoir des origines variées, et parfois difficiles à identifier. On peut cependant distinguer plusieurs mécanismes de douleur :

  • la douleur nociceptive : c’est un signal d’alarme en réponse à une agression contre l’organisme (par exemple, la douleur provoquée par une brûlure). Un message est envoyé au cerveau pour l’alerter de cette agression.
  • la douleur neuropathique : il s’agit d’une douleur consécutive à une lésion nerveuse, ancienne ou récente. Cette lésion provoque un dysfonctionnement du système nerveux périphérique ou central. Il peut s’agir par exemple d’une sciatique due à une hernie discale.
  • La douleur idiopathique : c’est un syndrome douloureux dont les causes sont mal expliquées. Les examens sont normaux, mais la douleur est bien présente.
  • La douleur psychogène : il s’agit d’une douleur d’origine psychologique (deuil, dépression, traumatisme, etc.).

Lors de la prise en charge de la douleur, l’équipe soignante s’efforce toujours d’identifier le mécanisme de la douleur ressentie, par le biais d’examens cliniques et d’entretiens avec le patient, afin de proposer le traitement le plus adapté.

L’évaluation de la douleur

Pour pouvoir traiter ou soulager une douleur, il est également nécessaire d’en évaluer l’intensité. Les équipes médicales et soignantes s’appuient pour cela sur des instruments de quantification par le biais desquels le patient leur indique le degré de douleur ressentie. En effet, lui seul détient la référence personnelle de sa douleur. Ces outils sont adaptés à l’âge de la personne et à sa capacité à s’exprimer.

Les échelles d’évaluation

Les échelles d’évaluation sont le principal instrument permettant de quantifier la douleur ressentie. Il en existe trois grands types :

  • L’échelle visuelle analogique. Il s’agit d’une échelle comportant une ligne horizontale allant de « pas de douleur du tout » à « douleur maximale imaginable », sur laquelle le patient est invité à placer un curseur correspondant à l’intensité de la douleur qu’il ressent.
  • L’échelle numérique. Elle comporte également une ligne horizontale, sur laquelle le patient note sa douleur de 0 à 10, du moins au plus intense.
  • L’échelle verbale simple. La personne décrit l’intensité de sa douleur à l’aide de mots simples (pas de douleur, faible, modérée, intense).

Des échelles adaptées ont été créées pour les enfants de moins de 10 ans : une échelle verticale représentant un triangle rouge dont la base correspond à « pas mal du tout » et le sommet à « très très mal », ainsi qu’une échelle représentant des visages plus ou moins grimaçants et sur laquelle l’enfant choisit quel visage représente ce qu’il éprouve.

Le score de la douleur s’inscrit au verso de ces échelles.

L’observation du comportement

Lorsque le patient ne peut exprimer sa douleur (nourrisson par exemple, ou personne atteinte d’une maladie d’Alzheimer), les praticiens s’appuient sur des grilles d’observation du comportement. Par exemple, une agitation, un repli sur soi, des cris, des pleurs, ou encore des gestes pour protéger certaines parties du corps sont souvent des signes révélateurs de douleur.

Pour plus d’informations sur l’évaluation de la douleur chez l’enfant, consultez le dossier « Si votre enfant a mal » dans la rubrique « l’hôpital et vous – les enfants ».

Le traitement de la douleur

Le traitement de la douleur tient compte de son mécanisme (douleur nociceptive, neuropathique, etc.), de ses caractéristiques (pathologie causale, type, intensité, durée, localisation) des données psychologiques et sociales du patient, des pathologies associées et de leurs traitements, et des prescriptions en cours.

Les réponses thérapeutiques sont variées selon l’origine et la nature de la douleur.

Les traitements médicamenteux

Les antalgiques (antalgique signifie « contre la douleur » en grec) sont les médicaments les plus utilisés pour soulager la douleur. Ils ont été classés en trois niveaux par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) :

  • le niveau 1 est constitué des antalgiques non morphiniques (paracétamol, anti-inflammatoires non stéroïdiens). Ils sont utilisés pour les douleurs d’intensité faible à modérée ;
  • le niveau 2 regroupe les opioïdes faibles (codéine par exemple). Ils sont utilisés pour les douleurs d’intensité modérée à sévère, ou lorsque les antalgiques de niveau 1 n’ont pas été efficaces pour soulager la douleur ;
  • le niveau 3 est constitué des opioïdes forts (morphine par exemple). Ces médicaments sont utilisés pour les douleurs intenses, ou lorsque les antalgiques de niveau 2 n’ont pas été efficaces pour soulager la douleur.

D’autres classes de médicaments sont également utilisées pour traiter certaines douleurs, comme les neuroleptiques ou les antidépresseurs pour les douleurs neuropathiques, ou encore les triptans pour les migraines.

Les autres réponses thérapeutiques

De nombreuses méthodes non-médicamenteuses peuvent aussi permettre de soulager la douleur, en particulier lorsqu’elle est chronique :

  • les traitements physiques. Ils comprennent la kinésithérapie, les massages, la physiothérapie (application de chaud, de froid, ou de courant électrique), la balnothérapie, la rééducation posturale et gestuelle, etc. ;
  • les traitements chirurgicaux. Ils comportent les traitements anesthésiologiques, les blocs anesthésiques et l’implantation de matériel de stimulation et de morphinothérapie ;
  • la neurostimulation. C’est une technique consistant à appliquer sur la zone douloureuse un courant électrique de faible intensité, qui fait ressentir à la personne une sensation non douloureuse. Cette stimulation tactile superficielle ferme en effet la porte à la transmission de la douleur ;
  • l’hypnose. Elle permet d’atténuer la sensation douloureuse en modifiant la perception que le patient a du monde extérieur.

La gestion de la douleur à l’hôpital

Les établissements de santé doivent se doter d’un comité de lutte contre la douleur (Clud), responsable de la mise en place d’une politique de gestion de la douleur. Par ailleurs, il existe des structures spécialisées pour le traitement de la douleur chronique rebelle dans certains hôpitaux.

Le rôle du comité de lutte contre la douleur (Clud)

Au sein de l’hôpital, le Clud définit la politique de prise en charge de la douleur et des soins palliatifs, qui doit figurer dans le projet d’établissement. Il coordonne entre les différents services toute action visant à mieux organiser la gestion de la douleur, et veille à la mise en œuvre de la politique qui a été déterminée. Il contribue à la formation professionnelle du personnel médical et soignant sur la douleur, et suscite le développement de plans d’amélioration de la qualité pour l’évaluation et le traitement de la douleur. Le Clud est également responsable de l’information des patients sur ce sujet.

Les consultations, unités et centres de traitement de la douleur

Il existe des structures spécialisées dans la prise en charge de la douleur chronique rebelle ayant un retentissement sur la vie quotidienne : les consultations, unités et centres de traitement de la douleur. Toutes ces structures ont une consultation, les unités étant en outre dotées de lits d’hospitalisation, tandis que les centres mènent également une activité d’enseignement et de recherche.

Des spécialistes de différentes disciplines interviennent dans ces structures, car les douleurs chroniques rebelles sont multifactorielles et nécessitent une approche pluridisciplinaire.

L’accès aux structures de traitement de la douleur s’effectue uniquement sur rendez-vous, et il n’est pas possible de venir consulter directement : il faut avoir été envoyé par son médecin traitant ou par un médecin spécialiste.

La liste de ces structures est disponible sur le site du centre national de ressources de lutte contre la douleur.

La prise en charge de la douleur au sein du CRTT

Les médecins du CRTT contribuent à la prise en charge de la douleur. Ils collaborent avec les médecins traitants pour adapter à chaque patient le meilleur traitement de la douleur.

La radiothérapie antalgique est une arme thérapeutique majeure dans la prise en charge des douleurs et permet le plus souvent de diminuer secondairement les doses d’antalgiques ;

En cas de douleurs rebelles les médecins du CRTT vous orienteront vers une consultation spécialisée au plus près de votre domicile en accord avec votre médecin traitant

Radiothérapie

Objectifs

La radiothérapie ne vise pas exclusivement l’effet antalgique, mais aussi la prévention des fractures et tassements vertébraux, la décompression médullaire en cas de contrindication à la décompression chirurgicale, l’amélioration de la mobilité et la reprise d’une certaine autonomie. En situation palliative, elle a pour objectif l’amélioration de la qualité de vie.

Mécanismes

Ils sont multiples : un effet anti-tumoral d’autant plus important que la tumeur primitive est radio-sensible, une inhibition de l’activité des ostéoclastes et une stimulation de celle des ostéoblastes, la réduction de la résorption osseuse, la diminution du risque fracturaire, l’effet antalgique spécifique.

Indications

Ce sont principalement les métastases osseuses, mais la radiothérapie peut concerner toute autre localisation douloureuse.

Radiothérapie antalgique des métastases osseuses

Trois modalités possibles : radiothérapie localisée, hémi-corporelle, métabolique.

 

 

 

 

Critères de Bates (1992)

Aide à la décision du traitement radiothérapique (irradiation externe exclusive) pour les métastases osseuses rachidiennes

 Espérance de vie très courte

  • Evolution lente
  • Pas de compression franche sauf contrindication à la décompression chirurgicale
  • Moelle cervicale haute indemne
  • Atteinte de la queue de cheval
  • Multiples niveaux
  • Colonne vertébrale stable
  • Histologies favorables : LMNH – myélome – sein – prostate 

Contre-indications

Fracture pathologique (prendre un avis chirurgical), compression médullaire aiguë sauf contrindication à la décompression chirurgicale.

Radiothérapie localisée

 

Champ d’irradiation : classiquement, tout le segment osseux atteint.

 

 

 

Métastase osseuse rachidienne :

 

 

la vertèbre métastatique incluant les apophyses transverses, et extension aux parties molles

 

 

1 vertèbre sus et sous-jacente à la vertèbre atteinte

 

 

2 vertèbres sus et sous-jacentes si épidurite

 

 

 

Schémas d’irradiation : pas de consensus. Le schéma dépend de l’efficacité et de la tolérance des tissus sains, avec comme objectif premier le contrôle de la douleur.

 

5 schémas d’irradiation selon l’OMS qui dépendent du contrôle de la maladie et de son pronostic :

 

 

OMS 0-1 : 30 Gy en 10 fractions et 2 semaines

 

 

OMS 2 : 20 Gy en 5 fractions et 5 jours

 

 

Split course : 3 x 5 Gy en 3 jours, repos 1 semaine puis 5 x 3 Gy en 5 jours

 

 

OMS 3-4 : 8 Gy en 1 fraction, si altération de l’état général ou paraplégie installée, ou visée antalgique

 

 

 

 

Effet antalgique : parfois dans les 24 heures

 

Optimisation de l’effet de l’irradiation avec le temps. Effet maximum quelques semaines après l’arrêt du traitement. Une aggravation transitoire est possible (effet « flare »)

Compression médullaire

C’est une urgence absolue. Elle est révélatrice de la métastase osseuse dans 8% des cas. La récupération neurologique dépend du délai de prise en charge. L’avis neurochirurgical doit être systématique après IRM (laminectomie décompressive). La corticothérapie à forte dose doit être systématique. Il y a deux modalités d’irradiation à proposer : radiothérapie post-opératoire, ou radiothérapie exclusive si atteinte de la queue de cheval ou contrindication à la décompression chirurgicale.

Radiothérapie antalgique des autres localisations

Les schémas d’irradiations sont les mêmes que celui des métastases osseuses. Le choix dépend du statut OMS et de l’état général du patient.

Radiothérapie hémicorporelle

Ce traitement, de moins en moins utilisé, nécessite une hospitalisation en raison du risque hématologique important.

Il s’applique à des lésions osseuses multiples et diffuses chez des patients avec un pronostic à court terme.

 

Hémicorps supérieur : 6 Gy en 1 fraction

 

Hémicorps inférieur : 8 Gy en 1 fraction

 

Traitements associés :

 

 

+ Hydratation IV

 

 

+ Antinauséeux dont sétrons

 

 

+ Corticoïdes

 

 

± Antidiarrhéiques

 

Intervalle entre les deux radiothérapies : 1 mois, selon la NFS

 

Tolérance médiocre : toxicité digestive et hématologique (11% DC Salazar 1986).

 

Résultats : efficacité > à 80 % (métastases osseuses)
Effet antalgique dans les 24 h chez 25 % des patients, maintenu dans 75 % des cas jusqu’au décès. 

Radiothérapie métabolique

Elle est indiquée pour les lésions multiples et qui fixent à la scintigraphie osseuse. Les radio-isotopes se fixent sur les sites osseux en activité métabolique en épargnant le tissu sain. La toxicité hématologique est constante, de 4 à 8 semaines après l’injection. La radiothérapie métabolique est contre-indiquée dans les localisations vertébrales avec atteinte du mur postérieur.

 

Strontium 89 METASTRON® (analogue calcique)

QUADRAMET®
(Samarium153 + Diphosphonate)

Caractéristiques physiques

Demi-vie = 50,5 jours
β- exclusif

Demi-vie = 46,3 heures
β- et γ

Caractéristiques biologiques

Elimination urinaire lente

Elimination urinaire rapide et importante (35 % de la dose administrée éliminée dans les urines au bout de 12 heures)

Indications

Prostate

Tous primitifs concernés
Métastases multiples
M. hyperfixantes à la scintigraphie osseuse
M. douloureuses

Dispositions

Arrêt de toute médication calcique 2 semaines avant
Hospitalisation non nécessaire
Surveillance NFS 2ème – 8ème semaine

Surcharge hydrique avant l’injection
1 jour d’hospitalisation
Recueil des urines sur les 6 premières heures
Surveillance NFS 2ème – 8ème semaine

ATTENTION AUX ASSOCIATIONS MYELOTOXIQUES

Résultats

25 % d’échecs
75 % de réponses (25 % RC – 50 % RP)

 

Possible augmentation transitoire des douleurs +++

Effets : début
                 max
                 durée tot.

10 – 20 jours après injection
à 6 semaines
6 mois (2 – 10)

1 semaine après injection
à 4 semaines
16 semaines

Possibilité de répéter l’injection

Oui, après 3 mois

Oui, après 8 semaines

Pas de limite au nombre des réinjections